Le 28 février 2010, la tempête Xynthia souffle sur la côte vendéenne. Elle souffle si fort que la mer casse les digues et submerge le village de La Faute sur Mer y faisant 29 morts, détruisant des centaines de maisons et marquant à vie ses habitants.
J’habite à La Faute sur Mer depuis mes 10 ans et j’y ai donc passé une bonne partie de mon enfance. Cette nuit là a relativement épargné ma maison et ma famille ne causant que des dégâts matériels (70cm d’eau dans la maison) .
Le lendemain, n’ayant pas conscience du drame qui m’entourait (toutes les communications étaient coupées) j’ai vécu les premières heures de l’après-catastrophe en m’imaginant Tintin dans un pays lointain, dangereux certes, mais bon enfant et somme toute amusant. Obligation de vivre à l’étage le premier jour, organisation d’ « expéditions » pour sortir de la maison et se renseigner, manoeuvres compliquées pour se procurer un peu de nourriture et de chaleur humaine, grands et beaux camions de pompiers, bateaux dans les rues, caméras de télévisions… Je l’avoue, les premières heures étaient grisantes, avec leur agitation de fêtes foraines, cette situation de film hollywoodien.
Mais quelques heures plus tard, au compte goutte, les informations arrivèrent. Certains voisins avaient tout perdus et ne savaient plus où aller. Ils partaient chez des amis, chez leurs enfants, sans valises, en laissant tout derrière eux. Les bateaux de secours laissaient place aux corbillards et les hélicoptères continuaient perpétuellement leurs allers-retours. Enfin, les jours suivants, l’ampleur du désastre prenait forme petit à petit : la liste des morts, connaissait-on quelqu’un ? Untel n’a plus de maison, une autre a perdu son mari, son petit-fils, la dame qui passait tous les jours dans notre rue ne passerait plus etc…
Toutes ses situations qui ont était maintes fois décrites dans les journaux télévisés.
La vie pourtant, a rapidement repris son cours. Obligations professionnelles pour certains, attente des assurances et démarches administratives pour d’autres. D’autres catastrophes ont remplacés celle-ci à la Une du 20h, et au bout de quelques semaines, les rues et les maisons étaient nettoyées. Les traces se sont effacées rapidement. Pourtant, pendant des mois, toute personne qu’on pouvait croiser dans le village n’avait que ce mot à la bouche : « tempête ». Comme si leur vie, après s’être arrêtée plus ou moins dramatiquement pendant quelques jours avait du mal à rattraper le cours des choses qui est reparti si vite.
La polémique sur les destructions n’a fait qu’amplifier ce fossé entre la réalité et les sinistrés. Détruire les maisons, détruire les traces.
Il y a ceux qui veulent se souvenir, il y a ceux qui veulent oublier, et il y a ceux qui ne peuvent rien en penser. C’est cet état que je veux filmer. Le vide qui a suivi la catastrophe, le désarroi des gens face à leur maison endommagée, et maintenant bien souvent vide. La difficulté de redémarrer sa vie ailleurs, loin de ses amis, de ses connaissances. Oublier ? Tourner la page ? Se souvenir ? Partir ? Reconstruire ? Tant de questions qui les assaillent.
Je connais personnellement beaucoup de gens qui ont été touché à divers degrés par la tempête. J’aimerais les filmer en train de parler, de raconter ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont fait, et ce qu’ils sont maintenant.
Toutes ces choses qu’on ne voit pas dans les journaux télévisés.
J’aimerais aussi prendre le temps. Montrer les doutes, la peine. Montrer les maisons vides, nettoyées, dans des rues maintenant propres. Ne pas parler du chaos qui a suivi la tempête mais plutôt de cet état de flottement, de rien, de vide. De souvenirs qui s’imposent rien qu’en regardant.
Nuit et brouillard.
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